France - Tribunal Administratif, M., n° 1603217, 2 mai 2016

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Pays dans lequel la décision est prise:
Pays d’origine du demandeur:
Date de la décision:
02-05-2016
Citation:
M., [2016], TA, No. 1603217
Court Name:
Tribunal Administratif de Lille
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Résumé succinct: 

Le tribunal annule une arrêté portant sur le transfert du Requérant aux autorités bulgares, initialement désigné comme responsable, et son placement en rétention administrative pour une durée de cinq jours.

Le tribunal considère qu’au vu de la situation générale du dispositif d’accueil des demandeurs d ’asile en Bulgarie et de la situation particulière du Requérant, notamment sa vulnérabilité physique, qu’il existait des motifs sérieux et avérés de croire qu’il existe des défaillances systématiques de la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs d’asile, et qu’en cas de remise effective de l’intéressé aux autorités bulgares, il ne bénéficierait pas d’un examen effectif de sa demande d’asile ou risquerait de subir des traitements inhumains et dégradants contraires à l’article 4 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne, l’article 3 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales (« Convention des Droits de L’Homme » ), ainsi qu’au paragraphe 2 de l’article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 (« Règlement Dublin III »)

Faits: 

Selon des pièces du dossier, des explications du Requérant et un certificat médical établi au centre de rétention, le Requérant a été arrêté en Bulgarie fin novembre 2015 par la police bulgare. Lors de cette arrestation, il a été frappé sans pouvoir expliquer sa situation faute d’interprète, ni sa vulnérabilité particulière, n’ayant plus qu’un seul rein depuis son départ de son pays d’origine. Ensuite il a été embarqué dans un camion et placé dans une grand salle non chauffé avec d’autres migrants, ou ils étaient forcés de se dénuder, laissés sans eau et nourriture pendant plusieurs heures et forcés à donné leurs empreintes digitales (les personnes qui refusaient étant frappées). Ils sont restés enfermés dans cette salle pendant douze jours, dormant sur un lit de fer sans matelas, sans pouvoir prendre de douche, et un seul WC étant disponible. Ensuite ils ont été conduits au camp fermé de Pastrogor. Un gardien a proposé au Requérant une carte verte lui permettant de sortir du camp contre la somme de 100 euros, somme qu’il a acquittée sans que lui soit remise ladite carte. Pendant toute la période de sa détention (novembre 2015 à décembre 2015) le Requérant n’a cessé de demander des soins médicaux et l’assistance d’un interprète (demandes non accordées). Le Requérant n’a jamais souhaité déposer une demande d’asile en Bulgarie.

Par une arrêté préfectoral en date du 27 février 2016, le préfet du Nord a décidé le transfert du Requérant aux autorités bulgares et a ordonné son placement en rétention administrative pour une durée de cinq jours.

Décision & Raisonnement: 

Le tribunal a constaté que les faits concernant le passage du Requérant en Bulgarie sont en cohérence avec les éléments mentionnés dans des rapports / alertes établis par les organisations non gouvernementales Pro Asyl, Amnesty International et Bulgarian Helsinki Committee, qui relatent notamment les violences commises lors des arrestations, l’état dégradé des conditions d’accueil des demandeurs d’asile privés d’interprétariat, de soins médicaux et, fréquemment, de nourriture ainsi que le fait que l’Etat bulgare ne leur verse plus d’allocation financière depuis mars 2015.

Le tribunal a considéré que la présomption selon laquelle un Etat membre de l’Union européenne participant à la mise en œuvre du Règlement Dublin III respecte ses obligations découlant de l’article 4 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne peut être renversée en cas de défaillances systématiques de la procédure d ’asile et des conditions d’accueil des demandeurs d’asile dans cet Etat membre impliquant un traitement inhumain ou dégradant subi par ces derniers.

Le tribunal a considéré que le Requérant a établi, au vu de la situation générale du dispositif d’accueil des demandeurs d ’asile en Bulgarie et de la situation particulière du Requérant, notamment sa vulnérabilité physique, qu’il existait des motifs sérieux et avérés de croire qu’il existe des défaillances systématiques de la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs d’asile, et qu’en cas de remise effective de l’intéressé aux autorités bulgares, il ne bénéficierait pas d’un examen effectif de sa demande d’asile ou risquerait de subir des traitements inhumains et dégradants contraires à l’article 4 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne, l’article 3 de la Convention des Droits de l’Homme, ainsi qu’au paragraphe 2 de l’article 3 du Règlement Dublin III.

Il en suit que la décision portant transfert aux autorités bulgares est illégale et doit être annulée, et que par voie de conséquence la décision plaçant en rétention administrative pour une durée de cinq jours doit être annulée.

Résultat: 

L’arrêté du 27 février 2016 est annulé.

Subsequent Proceedings : 

Une décision de la Tribunal Administratif de Versaille de 26 Décembre 2016 sur une nationale de la Turquie rend la même conclusion. La Tribunal conclue qu’il existait des motifs sérieux et avérés de croire qu’en cas de remise aux autorités bulgares, elle ne bénéficierait pas d’un examen effectif de sa demande d’asile et risquerait de subir des traitements contraires à l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Observations/Comments: 

This case summary was done by Linklaters LLP.

Other sources cited: 

Pro Asyl rapport en date du décembre 2015 intitulé «Humiliated, ill-treated and without protection – refugees and asylum seekers in Bulgaria »

Amnesty International rapport 2015 relatant les mauvaises traitements faits aux demandeurs d’asile en Bulgarie

Bulgarian Helsinki Committee alertes en date du 29 octobre 2015 et 15 mars 2016