France - Tribunal Administratif de Strasbourg, M. D / Ministre de l’intérieur, No 1603764, 6 juillet 2016

Pays dans lequel la décision est prise:
Pays d’origine du demandeur:
Date de la décision:
06-07-2016
Citation:
Tribunal Administratif de Strasbourg, M. D / Ministre de l’intérieur, No 1603764, 6 juillet 2016
Court Name:
Administrative Court of Strasbourg
Relevant Legislative Provisions:
International Law
International Law > 1951 Refugee Convention
Council of Europe Instruments > EN - Convention for the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms
Council of Europe Instruments
National / Other Legislative Provisions:
France - Articles L. 213-8-1
L. 213-9
L. 233-9
L. 723-6
R. 723-9 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
France - Article L. 761-1 du Code de justice administrative
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Résumé succinct: 

Un demandeur d’asile, entendu par téléphone pendant son maintien en zone d’attente par un officier de l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (« OFPRA ») dans un local n’ayant pas été agréé au préalable par le directeur général de l’OFPRA, n’a pas bénéficié des garanties procédurales appropriées applicables aux demandes d’asile.

Par conséquent, l’arrêté du Ministre de l’intérieur refusant la demande d’entrée sur le territoire, pris au vu d’un avis de l’OFPRA rendu dans de telles conditions, doit être annulé.

Faits: 

M. D, ressortissant iranien, est entré en France le 29 juin 2016 en provenance de Turquie et a indiqué vouloir y déposer une demande d’asile. Le 30 juin 2016, il a été convoqué à un entretien avec un officier de liaison de l’OFPRA, qui s’est déroulé le 1er juillet 2016 par téléphone dans les locaux de la police de l’air et des frontières, avec le concours d’un interprète en persan.

Suite à cet entretien, l’OFPRA a rendu un avis estimant que la demande de M. D était manifestement infondée. Le 1er juillet 2016, le Ministre de l’intérieur a pris un arrêté au vu de l’avis de l’OFPRA, rejetant la demande d’entrée de M. D sur le territoire français au titre de l’asile.

M. D a demandé au Tribunal administratif de Strasbourg :

  • D’annuler cet arrêté du Ministre de l’intérieur ;
  • De faire injonction à l’administration de mettre fin aux mesures de maintien en zone d’attente et de lui délivrer une attestation de demande d’asile ;
  • De désigner un avocat pour l’assister ainsi qu’un interprète ;

De condamner l’Etat à payer les frais exposés non compris dans les dépens.

Décision & Raisonnement: 
  • Sur l’annulation de la décision du Ministre de l’intérieur

(i) Sur l’appréciation du bien-fondé du refus de la demande d’asile

L’article L. 213-8-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (« CESEDA ») établit une procédure selon laquelle le ministre chargé de l’immigration ne peut rendre une décision concernant une demande d’asile qu’après consultation de l’OFPRA. L’OFPRA émet un avis sur le bien-fondé de la demande, et détermine le/les éventuel(s) motif(s) de refus.

Dans sa requête, M. D conteste le droit, pour le Ministre de l’intérieur, d’apprécier le bien-fondé d’une demande d’asile.

Dans le cas d’espèce, le Tribunal administratif de Strasbourg se contente de relever que l’arrêté attaqué a été pris par le Ministre de l’intérieur au vu de l’avis émis par l’OFPRA.

 (ii) Sur les garanties procédurales applicables à l’audition du demandeur d’asile par l’OFPRA

L’article L. 213-8-1 du CESEDA prévoit que l’évaluation du bien-fondé d’une demande d’asile par l’OFPRA doit se faire dans le respect de certaines garanties procédurales.

Ces garanties sont notamment prévues par l’article L. 723-6 du CESEDA, qui impose un entretien personnel du demandeur d’asile. Dans certains cas, il reconnaît la possibilité de procéder à l’entretien par un moyen de communication audiovisuelle.

L’article R. 723-9 du CESEDA précise que l’utilisation de moyens de communication audiovisuelle est notamment possible lorsque le demandeur est retenu dans un lieu privatif de liberté, à condition que le local dans lequel l’entretien se déroule soit préalablement agréé par le directeur général de l’OFPRA.

En l’espèce, le Tribunal considère que le maintien en zone d’attente peut être considéré comme caractérisant une rétention dans un lieu privatif de liberté.

Il relève cependant qu’un entretien téléphonique ne peut s’analyser comme caractérisant une audition par un moyen de communication audiovisuelle, et qu’en tout état de cause, le local dans lequel s’est déroulé l’entretien n’avait pas fait l’objet d’un agrément préalable par le directeur général de l’OFPRA.

Par conséquent, le Tribunal administratif annule l’arrêté du Ministre de l’intérieur rejetant la demande d’entrée en France de M. D au titre de l’asile.

  • Sur l’interruption des mesures de maintien en zone d’attente et la délivrance d’une attestation de demande d’asile

Le Tribunal estime, au vu des dispositions de l’article L. 233-9 du CESEDA, que l’annulation de l’arrêté prononcée par ce jugement implique nécessairement que l’administration interrompe immédiatement les mesures de maintien de M. D en zone d’attente et lui délivre, à sa demande, une attestation de demande d’asile lui permettant d’introduire une demande d’asile auprès de l’OFPRA. Il enjoint l’administration d’y procéder sans délai.

  • Sur la condamnation de l’Etat au paiement des frais exposés non compris dans les dépens

Le Tribunal estime que les circonstances de l’espèce ne justifient pas de mettre à la charge de l’Etat les frais exposés par le demandeur et non compris dans les dépens. Il rejette donc cette demande.

Résultat: 

L’arrêté du Ministre de l’intérieur rejetant la demande d’entrée en France de M. D au titre de l’asile est annulé. Le maintien de M. D en zone d’attente doit être immédiatement interrompu et une attestation de demande d’asile doit lui être délivrée, à sa demande, par l’administration.