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Home ›France - Cour nationale du droit d’asile, 7 octobre 2014, M. B., n°13003572
International Law > 1951 Refugee Convention > Art 1F
European Union Law > EN - Recast Qualification Directive, Directive 2011/95/EU of 13 December 2011 > Article 12


Des faits invoqués par le requérant intervenus postérieurement à la dernière décision de la CNDA ou dont il est établi que le requérant n’a pu en avoir connaissance que postérieurement à la précédente décision juridictionnelle, justifient un nouvel examen au fond par la CNDA.
La personne qui a des responsabilités au sein d’une unité armée dont les membres commettent des exactions systématiques et qui ne tente pas de les prévenir ou de s’en dissocier, s’en rend personnellement coupable et ne peut bénéficier du statut de réfugié.
Le requérant, de nationalité centrafricaine, était membre de la garde rapprochée du président François Bozizé de 2003 à 2009, qui s’est rendue coupable d’exactions d’une grande violence selon plusieurs sources d’information géopolitiques fiables et concordantes, notamment entre 2005 et 2007.
La CNDA avait rejeté un précédent recours introduit le 11 avril 2012. L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (l’ « OFPRA ») a été ensuite saisie d’une nouvelle demande de l’intéressé, intégrant des faits nouveaux, rejetée par le directeur général de l’OFPRA le 14 janvier 2013. Il a alors saisi la CNDA.
Sur les faits nouveaux
Le fait que (i) le père du requérant soit décédé, (ii) le régime du président Bozizé ait été renversé et qu’il soit crédible que les membres de la garde rapprochée de François Bozizé soit menacés par les rebelles ainsi que le fait que (iii) la Cour européenne des droits de l’homme ait demandé à la France de suspendre la procédure d’éloignement menaçant le requérant, sont autant de faits intervenus postérieurement à la dernière décision de la CNDA ou dont il est établi qu’il n’a pu en avoir connaissance que postérieurement à la précédente décision juridictionnelle permettant à cette dernière de se prononcer sur le recours dirigé contre la décision devenue définitive de l’OFPRA.
Sur le bénéfice de l’asile
En premier lieu, la CNDA considère, au vu, d’une part, du rapport du Conseil des droits de l’Homme de l’Organisation des Nations Unies publié le 19 mai 2010, des rapports de Human Rights Watch de septembre 2007 et septembre 2013, du document d’Amnesty International du 30 novembre 2006, du Briefing Afrique n°55 de International Crisis Group et, d’autre part, des cas rapportés dans la presse nationale de la République centrafricaine, que la garde présidentielle de François Bozizé s’est rendue coupable d’exactions d’une grande violence et de représailles illégales sur les populations civiles. Par ailleurs, la CNDA se réfère également à des articles datés de mai 2013 émanant du journal Le Monde et de Radio France Internationale, relayant des informations sur les violations de droits de l’homme qui auraient été commises par le président Bozizé et son entourage, pour soutenir qu’il est fort peu vraisemblable que le requérant, compte tenu de son parcours qu’il décrit de façon cohérente et constante, ne se soit pas vu confier des responsabilités plus importantes que celles d’un caporal-chef. La CNDA soulève enfin que les nombreuses contradictions dans le discours du requérant, variant par ailleurs aux différents stades de la procédure sur la nature-même de ses fonctions au quotidien, témoignent de propos singulièrement peu cohérents et hésitants sur des sujets relevant pourtant de son expérience personnelle.
En second lieu, la CNDA considère que la justification, par le requérant de craintes de persécutions présente de nombreuses incohérences et donne lieu à des propos élusifs, qui ne sont confirmés par aucun élément tangible. Compte tenu des importantes lacunes dans le discours du requérant, alors qu’il a été plusieurs fois invité à revenir sur ses explications à différents stade de la procédure, il ne peut être sérieusement envisagé que celui-ci ait refusé de prendre part à des missions relevant pourtant de la sécurité présidentielle, y compris des missions de répressions des populations civiles soupçonnées de collusion avec la rébellion. Enfin, les déclarations du requérant visant à démontrer son comportement prétendument subversif, qui aurait par ailleurs entraîné des représailles, sont divergentes et peu plausibles au vu des responsabilités qu’il a continué d’exercer et des avantages dont il a bénéficié, notamment sa formation en Chine, effectuée avec le soutien de l’armée et du président Bozizé.
En troisième lieu, le fait d’évoquer pour la première fois, à un stade tardif de la procédure, des tentatives de désertion et des menaces en cas de défection, qui sont pourtant des points essentiels qui n’ont jamais été développés auparavant en tout ou partie, pas même dans le mémoire en réponse au moyen soulevé d’office par la CNDA, alors qu’il s’agit d’éléments sur lesquels le requérant a été à plusieurs reprises invité à revenir, empêche la Cour de considérer ces éléments comme réels. La CNDA en déduit que ni les refus opposés à sa hiérarchie, ni l’éloignement qu’il prétend avoir pris avec le régime du président Bozizé et les actions illégales commises par la garde présidentielle, dont il avait nécessairement connaissance de par sa simple position mais également de ses propres aveux, ne peuvent être tenus pour crédibles.
La CNDA conclut que la rétention manifeste d’informations par le requérant, contrastant avec la précision de ses propos sur d’autres thèmes plus généraux, ainsi que l’incohérence de nombreuses de ses assertions avec les informations géopolitiques susvisées et qu’il ne pouvait ignorer au regard de sa position au sein du gouvernement, constituent un faisceau d’indices suffisant pour permettre à la Cour d’exprimer de sérieuses raisons de penser que le requérant, sans avoir tenté de prévenir des exactions systématiques de la part des membres de l’unité spéciale au sein de laquelle il exerçait une responsabilité particulière, s’est ainsi personnellement rendu coupable d’agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies. Les propos de désolidarisation du requérant, entachés de graves incohérences, ne peuvent être jugés suffisamment crédibles. Dès lors, il y lieu de l’exclure du statut de réfugié au titre de l’article 1F(c) de la Convention de Genève du 28 juillet 1951.
La CNDA décide d’exclure le requérant du bénéfice de la Convention de Genève du 28 juillet 1951.
This case summary was written by Linklaters LLP.
Recommandation Rec(2005)6 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe aux États membres, 23 mars 2005 sur l’interprétation de l’article 1F de la Convention de Genève du 28 juillet de 1951 et, notamment (i) le fait que l’exclusion n’exige pas une détermination de culpabilité au sens pénal, mais des informations claires et crédibles pour constituer des « raisons sérieuses » et (ii) la prise en considération des motifs d’exonération de la responsabilité individuelle ;
Conseil d’Etat, 21 octobre 2011, n°336576, sur l’appartenance à une unité militaire coupable de répressions et de massacres qui justifie, en principe, l’application de la clause d’exclusion ;
Jurisclasseur, Fasc. 233-70, mis à jour le 22 octobre 2015, page 26, sur les agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies.
Article 39 du règlement de la Cour européenne des droits de l’homme.