France - Cour Nationale du Droit D’Asile, 11 Avril 2014, M.A, No 13020725

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Pays dans lequel la décision est prise:
Pays d’origine du demandeur:
Date de la décision:
11-04-2014
Citation:
M.A, No 13020725
Court Name:
Cour Nationale du Droit D’Asile (la « CNDA »)
Relevant Legislative Provisions:
International Law > 1951 Refugee Convention
European Union Law > EN - Asylum Procedures Directive, Council Directive 2005/85/EC of 1 December 2005 > Art 12 > Art 12.1
European Union Law > EN - Asylum Procedures Directive, Council Directive 2005/85/EC of 1 December 2005 > Art 12 > Art 12.2
European Union Law > EN - Asylum Procedures Directive, Council Directive 2005/85/EC of 1 December 2005 > Art 12 > Art 12.2 (a)
European Union Law > EN - Asylum Procedures Directive, Council Directive 2005/85/EC of 1 December 2005 > Art 12 > Art 12.2 (c)
European Union Law > EN - Asylum Procedures Directive, Council Directive 2005/85/EC of 1 December 2005 > Art 12 > Art 12.3
European Union Law > EN - Asylum Procedures Directive, Council Directive 2005/85/EC of 1 December 2005 > Art 23 > Art 23.4 > Art 23.4 (a)
European Union Law > EN - Asylum Procedures Directive, Council Directive 2005/85/EC of 1 December 2005 > Art 23 > Art 23.4 > Art 23.4 (b)
European Union Law > EN - Asylum Procedures Directive, Council Directive 2005/85/EC of 1 December 2005 > Art 23 > Art 23.4 > Art 23.4 (c)
European Union Law > EN - Asylum Procedures Directive, Council Directive 2005/85/EC of 1 December 2005 > Art 23 > Art 23.4 > Art 23.4 (d)
European Union Law > EN - Asylum Procedures Directive, Council Directive 2005/85/EC of 1 December 2005 > Art 23 > Art 23.4 > Art 23.4 (e)
European Union Law > EN - Asylum Procedures Directive, Council Directive 2005/85/EC of 1 December 2005 > Art 23 > Art 23.4 > Art 23.4 (f)
European Union Law > EN - Asylum Procedures Directive, Council Directive 2005/85/EC of 1 December 2005 > Art 23 > Art 23.4 > Art 23.4 (g)
European Union Law > EN - Asylum Procedures Directive, Council Directive 2005/85/EC of 1 December 2005 > Art 23 > Art 23.4 > Art 23.4 (k)
European Union Law > EN - Asylum Procedures Directive, Council Directive 2005/85/EC of 1 December 2005 > Art 23 > Art 23.4 > Art 23.4 (l)
European Union Law > EN - Asylum Procedures Directive, Council Directive 2005/85/EC of 1 December 2005 > Art 23 > Art 23.4 > Art 23.4 (m)
European Union Law > EN - Asylum Procedures Directive, Council Directive 2005/85/EC of 1 December 2005 > Art 23 > Art 23.4 > Art 23.4 (n)
European Union Law > EN - Asylum Procedures Directive, Council Directive 2005/85/EC of 1 December 2005 > Art 23 > Art 23.4 > Art 23.4 (h)
European Union Law > EN - Asylum Procedures Directive, Council Directive 2005/85/EC of 1 December 2005 > Art 23 > Art 23.4 > Art 23.4 (i)
European Union Law > EN - Asylum Procedures Directive, Council Directive 2005/85/EC of 1 December 2005 > Art 23 > Art 23.4 > Art 23.4 (j)
European Union Law > EN - Asylum Procedures Directive, Council Directive 2005/85/EC of 1 December 2005 > Art 23 > Art 23.4 > Art 23.4 (0)
European Union Law > EN - Asylum Procedures Directive, Council Directive 2005/85/EC of 1 December 2005 > Art 28 > Art 28.2
European Union Law > EN - Recast Asylum Procedures Directive 2013/32/EU of the European Parliament and of the Council
European Union Law > EN - Charter of Fundamental Rights of the European Union > Article 41
European Union Law > EN - Recast Qualification Directive, Directive 2011/95/EU of 13 December 2011
National / Other Legislative Provisions:
France - Ceseda (Code of the Entry and Stay of Foreigners and Asylum Law) - Art L.723-3
France - Ceseda (Code of the Entry and Stay of Foreigners and Asylum Law) - Art L.723-3 c)
France - Ceseda (Code of the Entry and Stay of Foreigners and Asylum Law) - Art L.741-4
France - Ceseda (Code of the Entry and Stay of Foreigners and Asylum Law) - Art R.723-1
France - Ceseda (Code of the Entry and Stay of Foreigners and Asylum Law) - Art R.723-3
France - law no. 91-647 of 10 July 1991
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Résumé succinct: 

La Directive relative à la procédure du droit d’asile (la « Directive ») a été transposée dans le Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile (« CESEDA »). La décision de l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (« OFPRA ») a tenu compte de tous les éléments soumis par le demandeur et le rejet de la requête du demandeur sans entretien personnel n’est pas contraire aux dispositions de l’article 41(2) de la Charte des droits fondamentaux de l’UE (la « Charte »).

Quand l’OFPRA a examiné la requête du demandeur, il était légitime de la rejeter sans le convoquer pour un entretien personnel en raison du caractère manifestement infondé des nouveaux éléments  présentés à l’appui de sa demande. La CNDA a statué que la requête du demandeur doit être rejetée sans avoir à réexaminer les faits préalablement soumis lors de sa première demande d’asile. 

Faits: 

De nationalité russe et natif du Daghestan, le demandeur avait fait une demande d’asile en France. Sa demande avait par la suite été rejetée par l’OFPRA et la CNDA.

Selon l’OFPRA, le demandeur n’avait pas établi avoir subi de mauvais traitements pendant une investigation liée au terrorisme, ni qu’il était recherché par les autorités après s’être enfuit du mouvement Wahhabite. Le demandeur avait présenté une demande d’asile dans laquelle il avait mis en avant les craintes pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d’origine. Il précisait qu’il était toujours recherché par les forces de sécurité Daghestanaises qui régulièrement interrogeaient et menaçaient sa famille à son sujet. Un avis de recherche avait été émis en son nom et son père avait été contraint de se reloger ailleurs par peur d’être de nouveau agressé par les membres du mouvement Wahhabite. Les agents de police avaient remis à son père une convocation à l’attention du demandeur en vertu de laquelle il devait se présenter en qualité d’accusé au Service Régional des Affaires Intérieures de Makhatchkala.

Le demandeur soutient également que l’OFPRA a commis une erreur en qualifiant sa demande de « manifestement infondée », sans avoir défini ce terme et sans avoir indiqué les éléments qui lui auraient permis de correctement faire sa demande. Le requérant a aussi soutenu que les articles 12, 23 et 28 de la Directive n’ont pas été correctement transposés dans la législation nationale française à travers l’article L.723-2 du CESEDA et que l‘OFPRA est contrainte d’avoir un entretien personnel avec lui avant de rejeter sa demande d’asile.

Décision & Raisonnement: 

Au vu des articles 12 et 23 de la Directive, la CNDA statue que quand une nouvelle demande d’asile qui ne contient pas de nouveaux éléments, les pays membres ont le choix de ne pas avoir d’entretien personnel avec le requérant et de rejeter la demande comme étant manifestement infondée.

Selon la loi nationale, l’OFPRA ne peut refuser de considérer une nouvelle demande d’asile à moins que le requérant ne soumette de nouveaux éléments justifiant les craintes de persécutions ou de mauvais traitements humains. Pour se dispenser de convoquer le demandeur d’asile à un entretien personnel, l’OFPRA doit établir que les éléments fournis par l’intéressé à l’appui de sa demande sont manifestement infondés, ce qui est le cas d'une demande qui ne contient pas d'éléments nouveaux.

Conformément aux dispositions des articles L.723-3 et R.723-3 du CESEDA qui transposent l’article 28 (2) de la Directive, l’absence d’éléments nouveaux présentés à l’appui d’une demande rend cette demande « manifestement infondée ». Dans ce cas, l’OFPRA ne peut réexaminer la demande d’asile et aux termes de l’article 12(2) de la Directive, n’est pas tenue d’exiger un entretien personnel avec le demandeur. Par conséquent, il résulte que les provisions de la Directive mentionnées ci-dessus ont bien été transposées dans le CESEDA. 

En deuxième lieu, la CNDA a décidé que lorsque l’OFPRA réexamine une demande d’asile précédemment  rejetée, par une  décision devenue définitive sur le fondement des articles L.723-3 et R.723-3 du CESEDA, il doit être regardé comme mettant en œuvre le droit de l’Union Européenne, ainsi mettant en application ces principes généraux. Parmi ces principes figure celui du droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu’il est énoncé notamment dans l’article 41(2) de la Charte et selon la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE 22 novembre 2012 MM, C 277/11).

Ce droit n’implique pas systématiquement l’obligation, pour l’administration d’organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l’intéressé, ni même d’inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu’une décision lui faisant grief est susceptible d’être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales. Une atteinte à ce droit n’est susceptible d’affecter la régularité de la procédure à l’issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée avait été privée de la possibilité de présenter de nouveaux éléments qui auraient pu influer sur le contenu de la décision; ce qu’il lui revient, le cas échéant, de prouver. La CNDA considéra que lorsque le requérant soumet une nouvelle demande, il ne peut ignorer le fait que sa demande puisse être rejetée sans avoir recours à un entretien personnel s’il n’a pas soumis de nouveaux éléments qui justifient ses craintes de persécutions dans son pays d’origine. Le requérant a ainsi le droit  de soumettre des arguments écrits en soutien à sa demande dans les nouveaux éléments à n’importe quelle étape de la procédure administrative. Par conséquent, la décision de l’OFPRA se reposant sur tous les éléments soumis par le demandeur dans sa demande de réexamination sans avoir recours à un entretien personnel n’est pas contraire à l’article 41(2) de la Charte.

En troisième lieu, il appartient, en principe, à la CNDA qui est saisie d'un recours de plein contentieux, non d'apprécier la légalité de la décision de l’OFPRA qui lui est déférée, mais de se prononcer elle-même sur le droit de l'intéressé à la qualité de réfugié ou au bénéfice de la protection subsidiaire au vu de l’ensemble des circonstances de fait dont elle a connaissance au moment où elle statue. Toutefois, lorsque le recours dont est saisie la Cour est dirigé contre une décision de l’OFPRA qui a statué sur une demande d’asile sans procéder à  l’entretien personnel du demandeur comme il est prévu par l’article L.723-3 du CESEDA, il est à la discrétion de la CNDA d’annuler cette décision qui lui est déférée et de renvoyer l’examen de la demande d’asile à l’office pour reconsidération. Ceci est le cas quand le requérant a été illégalement dépourvu de son droit d’être entendu par l’OFPRA. L’OFPRA avait rejeté la demande du demandeur sans entretien basé sur le fait que la copie originale de la convocation produite ne comportait pas de garantie d’authenticité dans la mesure où le sceau qu'elle portait semblait avoir été scanné informatiquement et apposé avant le texte même de la convocation. De plus, le témoignage écrit du père du demandeur semblait être fabriqué en faveur de ce dernier et avec préméditation. Par la suite, quand l’OFPRA avait examiné cette nouvelle demande, il était légitime de la rejeter sans le convoquer à un entretien personnel en raison du caractère manifestement infondé des éléments nouveaux présentés à l’appui de sa demande.

En dernier lieu, la CNDA statua que de nouvelles pièces ne peuvent être soumises que lorsque les faits pertinents surviennent après que la décision de rejeter la demande est intervenue ou que le requérant n’a eu connaissance de ces faits qu’après, sous condition que le critère de crainte de persécution soit toujours existant. Si ces conditions sont remplies, la Cour se prononce sur le recours en tenant compte de l'ensemble des faits que le demandeur invoque dans sa nouvelle demande, y compris ceux déjà examinés par la Cour. Par une décision en date du 25 Janvier 2013, la CNDA avait rejeté un précédent recours introduit par le requérant. Saisi d’une seconde demande de l’intéressé, le Directeur Général de l’OFPRA l’avait rejetée par une nouvelle décision du 10 Mai 2013 contre laquelle est dirigé le présent recours. La convocation du demandeur par la police pour le 6 février 2013 présentait d’autres anomalies que celles relevées par l’OFPRA, telles que l’absence des coordonnées complètes de l’agent qui l’a convoqué ainsi que de mentions procédurales comme le droit d’être assisté par un avocat, il résulte de ce qui précède que les éléments présentés par le requérant à l’appui de sa requête en réexamination ne constituaient pas des éléments nouveaux. De ce fait, d’après la Cour, la requête du demandeur doit être rejetée sans avoir à réexaminer les faits déjà soumis, y compris ceux de la première demande.

Résultat: 

Les arguments de l’Association Elena et Cimade sont admis;

La requête du demandeur est rejetée.

Subsequent Proceedings : 

Le requérant a fait appel de cette décision auprès du Conseil d’Etat. Le Conseil d’Etat a considéré que l’article L.723-3 (c) du CESEDA n’entravait pas l’article 12 (2) et l’article 28 (2) de la Directive et que la CNDA n’avait pas fait d’erreur de droit. La CNDA n’avait pas dépourvu l’individu de son droit d’être entendu.

L’appel contre la décision de la CNDA a par conséquent été rejetée.

Observations/Comments: 

Dans cette instance, ELENA France et la CIMADE ont présenté des arguments.

Dans ses arguments, ELENA France avait indiqué que la demande de réexamination ne pouvait être considérée comme manifestement infondée en se basant sur la stricte interprétation de ce terme, comme spécifié par l’UNHCR. Il avait souligné que l’utilisation de ce terme par les Etats membres pour se débarrasser de leurs obligations d’organiser des entretiens était contraire à la Convention de Genève 1951. De plus, l’exception au droit d’être entendu prévu par la Directive doit être interprétée de façon restrictive avec la Charte. Ce principe ne peut être applicable quand le requérant présente de nouveaux éléments, par exemple de nouveaux faits ou de nouveaux arguments. Elena France avait aussi soutenu que l’article 723-3 du CESEDA était en vigueur avant la transposition de la Directive, et que par la suite, les articles 12(2) et 23(4)(h) n’avaient pas été incorporés, particulièrement car l’article L.723-3 ne fait aucune distinction entre la première demande d’asile et la réexamination de la demande initiale.

La CIMADE a  avancé la possibilité qu’une demande soit manifestement infondée, notamment quand le requérant est originaire d’un pays « sûr » selon la liste, ou quand le requérant a simplement fait une demande pour bouleverser les procédures de retour. Ceux-ci sont les seuls cas que la législation nationale avait prévus. Dans chacun de ces cas, un examen rigoureux doit néanmoins être réalisé et quand de nouveaux éléments sont présentés, un entretien personnel doit être effectué.

Case Law Cited: 

France - Constitutional Court, No.92/307, 25 February 1992

France - Council of State - Minister of Interior c/ R.,18 December 1996 (CE, Ass, n° 160856) and D., 28 November 2011 (n°343248)

CJEU - C-277/11 MM v Minister for Justice, Equality and Law Reform, Ireland, Attorney General (UP)