France - Conseil d’Etat, 4 mars 2015, M. A. c/ Préfet de la Haute-Garonne, N° 388180

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Pays dans lequel la décision est prise:
Pays d’origine du demandeur:
Date de la décision:
04-03-2015
Citation:
CE, 4 mars 2015, M. A. c/ Préfet de la Haute-Garonne, n° 388180
Court Name:
Conseil d’Etat, juge des référés
National / Other Legislative Provisions:
France - Ceseda (Code of the Entry and Stay of Foreigners and Asylum Law) - Art L.512-1-1
France - Constitution
France - Code of Administrative Justice Article L.521-2
France - Code of Administrative Justice L.761-1
France - law no. 91-647 of 10 July 1991
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Résumé succinct: 

Le demandeur a interjeté appel de la décision ordonnant son transfert vers un autre État membre responsable de l'examen de sa demande de protection internationale parce que la période de six mois au cours de laquelle son transfert devait être effectuée conformément au règlement (UE) n° 604/2013 dit « Dublin III» (le « Règlement Dublin III ») avait expiré.

Le Conseil d'Etat a rejeté l'appel jugeant que le délai de six mois avait été interrompu par l'action en justice contre la mesure de transfert, mais n’avait pas redémarré car l'appel était toujours en cours lorsque le préfet a émis la convocation Dublin III au requérant.

Faits: 

M. A., ressortissant guinéen, est entré en France en mars 2014 et a déposé le 26 mars 2014 une demande d’admission au séjour au titre de l’asile à la préfecture de la Haute-Garonne. Le préfet a constaté que le demandeur avait fait l’objet d’un contrôle d’identité en Espagne le 28 novembre 2013. Il a alors demandé sa réadmission en Espagne en application du règlement Dublin III.

Le préfet a reçu l’accord des autorités espagnoles le 4 juin 2014 sur la demande de réadmission de M. A. en Espagne. Pour cette raison, le préfet a refusé d’admettre le demandeur au séjour par un arrêté du 17 juin 2014. Par un arrêté du 28 octobre 2014 (l’ « Arrêté »), le préfet a ordonné la remise de M. A. aux autorités espagnoles ainsi que son placement en rétention administrative.

M. A. a alors demandé au tribunal administratif de Toulouse l’annulation de l’Arrêté sur le fondement de la procédure prévue au III de l’article L. 512-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Cette procédure permet de demander l’annulation de la décision de placement en rétention et de l’obligation de quitter le territoire français.

Le tribunal administratif a annulé l’Arrêté par un jugement du 30 octobre 2014, dont le préfet de la Haute-Garonne a relevé appel. L’appel était toujours pendant devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux, à la date de la décision du Conseil d’Etat étudiée ici.

A la suite de l’annulation de l’Arrêté, M. A. s’est présenté à la préfecture de la Haute-Garonne le 18 décembre 2014 pour solliciter l’enregistrement de sa demande d’asile en France. M. A. invoquait à cet effet l’expiration du délai de six mois prévu par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dit « règlement Dublin III ». Ce délai est celui dans lequel doit être effectué le transfert du demandeur vers l’Etat membre responsable de sa demande.

Le préfet a refusé de faire droit à cette demande d’asile et lui a délivré une convocation dite « Dublin III ». La convocation Dublin III est un document par lequel la présence sur le territoire français est tolérée dans l’attente du transfert, pour une durée de 15 jours renouvelables. Le préfet a renouvelé ces convocations les 29 janvier et 12 février 2015.

M. A. a alors introduit un référé-liberté contre le refus de demande d’asile. Le référé-liberté est une procédure qui permet au juge, lorsque cela est justifié par l’urgence, d’ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public aurait porté atteinte.

Le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M. A.

M. A. a alors relevé appel de cette ordonnance devant le juge des référés du Conseil d’Etat. La Cimade (association impliquée dans l’assistance juridique aux étrangers) a souhaité intervenir à cette procédure.

Décision & Raisonnement: 

Le Conseil d’Etat a reconnu l’intérêt de la Cimade à l’annulation de l’ordonnance attaquée et a admis son intervention.

Le Conseil d’Etat, suivant une jurisprudence constante, a estimé que le droit de solliciter le statut de réfugié était le corollaire du droit d’asile, qui a le caractère d’une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative (CJA).

Il admet en conséquence la recevabilité du référé-liberté.

Sur la base des articles 7(2) et 13(1) du Règlement Dublin III, le Conseil d’Etat considère que la détermination de l'Etat membre en principe responsable de l'examen de la demande de protection internationale s'effectue une fois pour toutes à l'occasion de la première demande d'asile, au vu de la situation prévalant à cette date.

Après avoir constaté que le demandeur a fait l’objet d’un contrôle d’identité en Espagne le 28 novembre 2013, avant qu’il ait fait une demande d’asile en France, le juge conclut qu’en l’espèce, l’Espagne est bien l’Etat responsable de la demande de protection internationale de M. A.

Le Conseil d’Etat cite tout d’abord l’article 29 du règlement Dublin III, selon lequel la mesure de transfert du demandeur d’asile doit s’effectuer dans un délai de six mois à compter de :

(i) l’acceptation par un autre Etat membre de la requête de prise en charge de la personne concernée ; ou

(ii) la décision définitive sur le recours contre la mesure de transfert lorsque l’effet suspensif est accordé à ce recours conformément à l’article 27§3 du même règlement.

Pour le Conseil d’Etat, l’introduction d’un recours sur le fondement du III de l’article L. 512-1 du CESEDA a « par elle-même » un effet suspensif au sens de l’article 27§3, sur l’exécution de la mesure d’éloignement en vue de laquelle le placement de l’étranger en rétention administrative a été décidé.

Par ailleurs, le Conseil d’Etat rappelle que pour les recours sur ce fondement, le juge dispose d’un pouvoir d’annulation sur la mesure de transfert ainsi que sur le placement en rétention administrative.

En conséquence, pour le Conseil d’Etat, la présentation, sur le fondement du III de l’article L.512-1 du CESEDA, d’un recours dirigé contre un arrêté ordonnant la remise d’un demandeur d’asile aux autorités de l’Etat responsable de l’examen de sa demande doit être regardée comme interrompant le délai de six mois prévu à l’article 29 du Règlement Dublin III.

Ce délai de six mois court donc à nouveau à partir de la décision définitive sur un tel recours et non à compter de l’acceptation par l’Etat membre de la prise en charge du demandeur d’asile.

Plus précisément, le délai de six mois, interrompu par le recours, « recommence à courir à compter de la décision juridictionnelle qui ne fait plus obstacle à la mise en œuvre de la procédure de remise ».

Le Conseil d’Etat précise, dans la suite de l’arrêt, les modalités de mise en œuvre de ce principe.

Ainsi, si le recours est rejeté en première instance, le délai de six mois recommence à courir à compter de ce premier jugement, car l’appel n’a pas de caractère suspensif. Un nouveau délai de six mois s’ouvre à la date du premier jugement.

A l’inverse, si le recours aboutit à l’annulation de la mesure de transfert, deux cas de figure sont envisagés par le Conseil d’Etat :

(i) Soit le préfet prend acte de l’annulation et il peut éventuellement reprendre une mesure de transfert, dans le respect de la chose jugée. Le délai de six mois pour prendre une nouvelle mesure courra à compter de l’acceptation par l’Etat membre de la prise en charge de la demande, en l’espèce le 4 juin 2014.

(ii) Soit le préfet relève appel et dans ce cas, le délai de six mois est toujours interrompu et ne peut recommencer que si l’arrêt de la Cour d’appel infirme l’annulation et rejette la demande de première instance.

En l’espèce, le Conseil d’Etat conclut en donnant raison au préfet de la Haute-Garonne. Pour lui, le délai de six mois, interrompu par le recours contre la mesure de transfert, n’avait pas recommencé à courir car l’appel du préfet était toujours pendant à la date où il a délivré les convocations Dublin III au requérant.

  1. Sur l’intervention de la Cimade
    1. Sur la recevabilité de la requête
    1. Sur la date de la détermination de l’Etat membre responsable de l’examen de la demande d’asile
    1. Sur l’interruption du délai de six mois par la procédure prévue au III de l’article L. 512-1 du CESEDA
    1. Sur les modalités de reprise du délai
Résultat: 

Demande rejetée.

Observations/Comments: 

Le Conseil d’Etat reconnaît implicitement que la condition d’urgence est remplie. Celle-ci est justifiée par le requérant par la « situation de précarité portant atteinte à sa dignité et à son intégrité physique » résultant de « l’absence de délivrance d’une autorisation provisoire de séjour ».

This case summary was written by Linklaters LLP.