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Home ›France - Conseil d’Etat, 13 novembre 2013, CIMADE, M. B, Nos 349735 et 349736
International Law > 1951 Refugee Convention > Art 31.1
International Law > 1951 Refugee Convention > Art 33 > Art 33.1
European Union Law > EN - Asylum Procedures Directive, Council Directive 2005/85/EC of 1 December 2005
European Union Law > EN - Treaty on European Union
Council of Europe Instruments > EN - Convention for the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms > Article 15
Le CE confirme la recevabilité des tierces interventions devant la CNDA.
Les craintes invoquées par une personne à laquelle le statut de réfugié à été reconnu par un Etat membre de l’Union Européenne, relatives à sa protection, afin de présenter une demande d’asile dans un autre Etat membre de l‘Union Européenne, sont présumées infondées. Toutefois, le demandeur d’asile doit être mis en mesure de démontrer le contraire par tout moyen.
Le requérant, ressortissant russe d’origine tchétchène, s’est vu reconnaitre le 10 juillet 2008, en application de la convention de Genève, la qualité de réfugié auprès des autorités polonaises, sur le fondement des risques de persécution auxquels il était exposé en Fédération de Russie en raison de sa participation à la première guerre d'indépendance de la Tchétchénie. Il soutient par la suite avoir fait l’objet de menaces sur le territoire polonais de personnes originaires de Tchétchénie, parmi lesquelles il a reconnu l’auteur de tortures dont il avait été victime en 2002 dans son pays d’origine. Il fuit alors la Pologne et demande l’asile sur le territoire français.
Sa demande est rejetée par décision de l’Ofpra du 24 avril 2009. Il saisi alors la CNDA afin de se voir reconnaître la qualité de réfugié.
La CIMADE (association déclarée loi de 1901) a souhaité intervenir à la procédure.
La CNDA a refusé d'admettre cette intervention.
La demande d’asile formée par le requérant a également été rejetée.
La CIMADE (appuyée par l’intervention des associations Amnesty international France et Action des chrétiens pour l’abolition de la torture) et M. B ont formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat.
Sur les interventions
Le CE admet l’intervention de la CIMADE qui justifie d’un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l’objet du litige. Il précise que la CNDA a commis une erreur de droit en jugeant irrecevable l'intervention de la CIMADE. Le CE admet également l’intervention des associations Amnesty international France et Action des chrétiens pour l’abolition de la torture à l’appui du pourvoi de la CIMADE, au motif qu’en matière de litiges de plein contentieux, seuls sont recevables à former un intervention les personnes qui se prévalent d’un droit propre auquel la décision à rendre est susceptible de préjudicier.
Au fond
Le CE cite dans un premier temps (i) l’article 1 A. 2) de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31 janvier 1967, (ii) l’article 31 1) de la convention de Genève et (iii) l’article 33 1) de cette même convention.
Sur la base de ces articles, le CE considère que lorsqu'une personne s'est vu reconnaître le statut de réfugié dans un Etat partie à la convention de Genève, sur le fondement de persécutions subies dans l'Etat dont elle a la nationalité, elle ne peut plus, aussi longtemps que le statut de réfugié lui est maintenu et effectivement garanti dans l'Etat qui lui a reconnu ce statut, revendiquer auprès d'un autre Etat, sans avoir été préalablement admise au séjour, le bénéfice des droits qu'elle tient de la convention de Genève à raison de ces persécutions.
Néanmoins, s’il est établi que cette personne craint avec raison que la protection à laquelle elle a conventionnellement droit sur le territoire de l'Etat qui lui a initialement reconnu le statut de réfugié n'y est plus effectivement assurée, elle doit être regardée comme sollicitant pour la première fois la reconnaissance du statut de réfugié.
Le CE précise que dans ce cas, les autorités françaises examinent la demande de la personne au regard des persécutions dont elle serait, à la date de sa demande, menacée dans le pays dont elle a la nationalité.
En cas de rejet de sa demande, la personne ne peut (sous réserve, le cas échéant, de l'application des dispositions pertinentes du droit de l'Union européenne) se prévaloir d'aucun droit au séjour au titre de l'asile. Pour autant : (i) la qualité de réfugié qui lui a été reconnue par le premier Etat fait obstacle, aussi longtemps qu'elle est maintenue, à ce qu'elle soit reconduite dans le pays dont elle a la nationalité, et (ii) les circonstances ayant conduit à ce que sa demande soit regardée comme une première demande d'asile peuvent faire obstacle à ce qu'elle soit reconduite dans le pays qui lui a déjà reconnu le statut de réfugié.
Le CE poursuit en considérant que compte tenu du niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque le demandeur s'est vu en premier lieu reconnaître le statut de réfugié par un Etat membre de l'Union européenne, les craintes dont il fait état concernant le défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire.
Le CE précise que cette présomption ne saurait toutefois valoir, notamment, lorsque cet Etat membre a pris des mesures dérogeant à ses obligations prévues par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sur le fondement de l'article 15 de cette convention, ou dans le cas où seraient mises en œuvre à l'encontre de cet Etat membre les procédures, prévues à l'article 7 du Traité sur l'Union européenne, soit de prévention, soit de sanction d'une violation des valeurs qui fondent l'Union européenne.
Enfin, le CE conclut en considérant qu’en pareil cas, le demandeur a la possibilité d'apporter tous éléments circonstanciés de nature à établir la réalité de ses craintes et le défaut de protection des autorités de l'Etat membre qui lui a, en premier lieu, reconnu la qualité de réfugié ; et, le fait qu'il n'ait pas sollicité ou tenté de solliciter la protection de ces autorités peut être pris en compte, entre autres éléments, par le juge de l'asile pour apprécier le bien-fondé de sa demande. Mais la circonstance que le demandeur n'ait pas sollicité ou tenté de solliciter la protection des autorités de l'Etat membre ne saurait à elle seule faire obstacle à ce qu'il apporte la preuve nécessaire au renversement de la présomption selon laquelle sa demande n'est pas fondée.
Dès lors, la CNDA a commis une erreur de droit en rejetant la demande de M. B, ressortissant d'un Etat tiers réfugié en Pologne, au seul motif qu'il n'établissait pas avoir sollicité ou tenté de solliciter la protection des autorités polonaises, alors qu'il lui était loisible de combattre par tout moyen la présomption que sa demande d'asile en France n'est pas fondée ; qu'il en résulte que M. B est fondé à demander l'annulation des articles 2 et 3 de la décision attaquée.
La décision de la CNDA du 30 mars 2011 est annulée et l’affaire est renvoyée devant la CNDA.
· AJDA 2013 p.2427, Asile sur asile ne vaut (Aurélie Bretonneau et Jean Lessi) ;
· JCP Semaine juridique, Editions administrations et collectivités territoriales, N° 13, 31 mars 2014, Clarifications quant au statut du « réfugié demandeur d’asile » ;
Revue Droit administratif, Janvier 2014, n°1 comm. 5, Le statut des demandeurs d’asile titulaires d’une protection dans un pays de l’Union européenne (Lucile Abassade).
This case summary was completed by Linklaters LLP.