France - Conseil d’Etat, 10 octobre 2014, Association ELENA et autres, Association FORUM REFUGIES-COSI Nos 375474 et 375920

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Pays dans lequel la décision est prise:
Pays d’origine du demandeur:
Date de la décision:
10-10-2014
Citation:
CE, 10 octobre 2014, Association ELENA et autres, Association FORUM REFUGIES-COSI Nos 375474 et 375920
Court Name:
Conseil d’Etat, section du contentieux
National / Other Legislative Provisions:
France - Ceseda (Code of the Entry and Stay of Foreigners and Asylum Law) - Art L.741-1
France - Cesda (Code of Entry and Stay of Foreigners and Asylum Law) Art L.722-1
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Résumé succinct: 

Le Conseil d’Etat a rejeté le recours des Requérants contre la décision d’inscription de la Géorgie et de l’Albanie sur la liste des pays d’origine sûrs prise par le conseil d’administration de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) en raison, notamment, du fait que ces pays disposent d’institutions démocratiques et sont parties à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH).

Le Conseil d’Etat a donné droit au recours contre la décision d’inscription du Kosovo sur la liste des pays d’origine sûrs en raison, notamment, de l’instabilité du contexte politique et social et des violences auxquelles restaient exposées certaines catégories de sa population, sans garantie de pouvoir trouver auprès des autorités publiques une protection suffisante.

Faits: 

Les Requérants ont demandé :

  1. L’annulation de la délibération du conseil d’administration de l’OFPRA en date du 16 décembre 2013 ayant inscrit la République d’Albanie, la Géorgie et la République du Kosovo sur la liste des pays d’origine sûrs ;
  2. Le renvoi d’une question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) sur la compatibilité des articles 30 et 31 de la Directive 2005/85/CE avec l’article 18 de la Charte des Droits Fondamentaux ; et
  3. Le renvoi d’une question préjudicielle à la CJUE sur la compatibilité de l’absence de recours suspensif en droit français contre le refus d’une demande d’asile d’un ressortissant d’un pays d’origine sûr avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux.

Les renvois préjudiciels étaient demandés dans le cadre des moyens soulevés par les requérants dans leur recours contre la décision de l’OFPRA.

Décision & Raisonnement: 
  1. A.      A propos l’inscription sur la liste des pays d’origine sûrs de chacun des trois pays :

    République d’Albanie

    Le Conseil d’Etat a rejeté le recours concernant l’inscription de la République d’Albanie parce qu’elle est liée depuis avril 2009 à l’Union européenne par un accord de stabilisation et d’association ; elle est partie à la CEDH ; elle dispose d’institutions démocratiques dont le fonctionnement régulier a été progressivement rétabli après les troubles survenus à la suite des élections législatives de 2009 ; au cours des années 2012 et 2013 ont été adoptées des réformes du code pénal, du code civil et du code de procédure civile de nature à renforcer la protection des libertés fondamentales. Pendant cette période, des mesures de lutte contre la corruption ont également été prises.

    Le Conseil d’Etat a reconnu cependant que des problèmes de lutte contre le crime organisé persistaient.

    Géorgie

    Le Conseil d’Etat a rejeté le recours concernant l’inscription de la Géorgie sur la liste parce qu’elle dispose d’institutions démocratiques et procède à la désignation de ses dirigeants sur le fondement d’élections libres et pluralistes ; elle est partie à la CEDH ; et elle s’est engagée dans la voie de réformes profondes de son système politique et judiciaire dans le sens d’une consolidation de l’Etat de droit, conformément aux exigences du partenariat conclu avec l’Union européenne.

    Le Conseil d’Etat a néanmoins reconnu des difficultés persistantes dans l’affirmation de l’autorité de l’Etat et des particularités de la situation en Ossétie du sud et en Abkhazie.

    République du Kosovo

    Le Conseil d’Etat a donné droit au recours concernant l’inscription de la République du Kosovo sur la liste parce que les institutions du pays sont encore largement dépendantes du soutien des organisations et missions internationales. Eu égard à l’instabilité du contexte politique et social, ainsi qu’aux violences auxquelles restent exposées certaines catégories de sa population, sans garantie de pouvoir trouver auprès des autorités publiques une protection suffisante, le pays ne présentait pas à la date de la décision attaquée les caractéristiques justifiant son inscription sur la liste des pays d’origine sûrs.

    B.      Sur l’application de la Directive 2005/85 qui était remise en cause par les requérants pour contester le fondement de la décision de l’OFPRA :

    L’article 30 de la Directive 2005/85 prévoit en son paragraphe 2 que les Etats Membres peuvent maintenir des dispositions nationales en vigueur au 1er décembre 2005 qui leur permettent de désigner comme pays d’origine sûrs des pays autres que ceux figurant en annexe de ladite Directive, à condition que les ressortissants de ces pays ne soient pas sujets à des persécutions au sens de l’article 9 de la Directive 2004/83/CE ni à la torture ou à des traitements inhumains et dégradants.

    L’article L. 741-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui codifie la loi du 10 décembre 2003 et prévoit l’établissement en droit national d’une liste de pays d’origine sûrs,  était en vigueur avant le 1er décembre 2005.

    Le fait que l’article L 722-1 (également codifié en 2003), donnant au conseil d’administration de l’OFPRA la compétence pour établir cette liste, ait été modifié par la loi du 24 juillet 2006 n’est pas contraire au principe posé par l’article 30 de la Directive 2005/85 et ne fait pas obstacle à l’application cet article L-722-1.

    C.      Sur les questions préjudicielles :

    La liste des pays d’origine sûrs prévue par la Directive 2005/85 n’est pas contraire aux articles 1 et 3 de la Convention de Genève de 1951 car le principe de non-discrimination qu’ils posent ne fait pas obstacle à des procédures d’instruction de demandes d’asile différentes en fonction du pays d’origine dès lors que cette distinction n’est pas faite pour l’appréciation de leur droit à obtenir la qualité de réfugié. Par conséquent, le CE a également rejeté l’argument selon lequel la Directive 2005/85 est contraire à l’article 18 de la Charte des droits fondamentaux.

    Par ailleurs, les demandeurs ont mis en avant l’argument selon lequel la décision attaquée a pour effet de séparer les enfants de leurs parents. Le CE a rejeté cet argument au motif que la décision n’avait ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants de leurs parents et que le cas échéant, les mineurs isolés issus de pays d’origine sûrs étaient pris en charge par l’aide sociale à l’enfance. Par conséquent, le CE a considéré que la décision attaquée n’était pas contraire à l’article 3-1 de la Convention de New York de 1990.

    L’objet de la décision attaquée est d’ajouter trois pays à la liste de pays d’origine sûrs et non la procédure applicable au recours contentieux contre les décisions de l’OFPRA. Par conséquent, la décision n’a pas d’effet sur le principe d’absence d’effet suspensif des recours contre les décisions de refus du statut de réfugié pour les ressortissants d’un pays d’origine sûr, et  le raisonnement basé sur l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux ou l’article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDH) est, donc, inopérant. 

Résultat: 

La décision est annulée partiellement, uniquement à l’égard du Kosovo.

Subsequent Proceedings : 

Le Conseil d’administration de l’Office français des réfugiés et des apatrides (OFPRA) a décidé, le 9 Octobre 2015, d’ajouter Kosovo sur la liste de pays d’origines sûrs au regard de la nouvelle définition posée par la loi sur l’asile de juillet 2015. À compter du 1 Novembre, l’OFPRA a pu examiner une demande d’asile d’une personne qui fuit le Kosovo dans un mode accéléré, avec les délais très courts en première instance et devant la Cour. 

Observations/Comments: 

This case summary was written by Linklaters LLP.