Belgique - C.C.E., 12 février 2013, No. 96933

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Pays dans lequel la décision est prise:
Pays d’origine du demandeur:
Date de la décision:
12-02-2013
Citation:
C.C.E., arrêt no 96933
Court Name:
Conseil du contentieux des étrangers (MAERTENS, LOUIS, HAYEZ)
National / Other Legislative Provisions:
Belgium - Vreemdelingenwet/loi sur les étrangers 15/12/1980 (Aliens Act) - Artikel 55/2
Belgium - Vreemdelingenwet/loi sur les étrangers 15/12/1980 (Aliens Act) - Artikel 55/4
Belgium - Vreemdelingenwet/loi sur les étrangers 15/12/1980 (Aliens Act) - Artikle 39/76
Belgium - Vreemdelingenwet/loi sur les étrangers 15/12/1980 (Aliens Act) - Artikle 48/4
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Résumé succinct: 

Exigeant l’imputabilité de faits précis au requérant et un seuil de gravité élevé pour retenir la qualification d’agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies, le C.C.E. refuse en l’espèce l’exclusion du statut de réfugié d’un requérant condamné pénalement pour participation aux activités d’un groupe terroriste.

Faits: 

Le requérant a été exclu du statut de réfugié par le C.G.R.A., au vu des raisons sérieuses de penser qu’il s’est rendu coupable d’agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies. Ces raisons se fondent sur une condamnation en correctionnel pour participation en tant que membre dirigeant aux activités d’un groupe terroriste : l’organisation d’une filière d’envoi de deux volontaires en Irak pour y combattre les forces américaines, le désir du requérant de partir pour le Djihad, de devenir martyr et de frapper les intérêts américains en exécutant des opérations suicide.

Décision & Raisonnement: 

Le C.C.E. a distingué d’une part les faits imputables à l’organisation et, d’autre part, ceux imputables au requérant. Il a conclu que ni les uns, ni les autres, ne suffisaient pour fonder une exclusion.

Concernant l’organisation, il a relevé que le groupe auquel appartenait le requérant ne s’était vu imputer aucun fait ou acte précis tombant sous le coup de la clause d’exclusion. Or, selon la C.J.U.E., l’application d’une clause d’exclusion exige l’évaluation des faits précis dont l’autorité compétente a connaissance en vue de déterminer s’il existe des raisons sérieuses de penser que l’organisation dont la personne est membre a commis des actes tombant sous le coup de la clause d’exclusion (9 novembre 2010, B. et D. c. Allemagne, aff. no C-57/09 et C-101/09).

Concernant le requérant, le C.C.E. relève que les faits qui lui sont imputés sont le soutien logistique à une entreprise terroriste par le biais, notamment, de services matériels ou intellectuels ; la contrefaçon de passeports et la cession frauduleuse de passeports qualifiés d’acte de participation à l’activité d’une cellule qui apporte son soutien logistique à un mouvement terroriste ; et la participation active dans l’organisation d’une filière d’envoi de volontaires en Irak. Ces faits ne constitueraient pas, en tant que tels, des agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies, à savoir une « menace pour la paix et la sécurité internationales, dans le but de gravement intimider une population ou de gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays ou d’une organisation internationale » (§5.9.7. de cet arrêt).

Prenant en compte le principe de stricte interprétation des clauses d’exclusion, le C.C.E. conclut que ni l’imputation d’un acte précis à l’organisation dont le requérant a été jugé membre, ni la réalité d’un agissement personnel de celui-ci suffisamment grave pour être qualifié d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies, n’ont été rapportées. Il n’y a dès lors pas lieu d’exclure.

Résultat: 

Recours fondé : Refus de l’exclusion et reconnaissance du statut de réfugié

Subsequent Proceedings : 

Cet arrêt est le quatrième adopté par le C.C.E. au sujet de la demande d’asile introduite par ce requérant, condamné pénalement pour organisation d’une filière terroriste d’envoi de combattants volontaires en Irak.

Dans un premier arrêt n°54335 du 13 janvier 2011 (ici commenté) , le C.C.E. annule la décision d’exclusion du requérant de la protection internationale adoptée par le C.G.R.A. Le C.C.E. considère que le jugement condamnant pénalement le requérant ne suffit pas à l’exclure de la qualité de réfugié. Selon le C.C.E., « la lecture de ce jugement ne permet pas de faire émerger des faits précis » au sens de la jurisprudence B. et D. de la C.J.U.E.(9 novembre 2010, B. et D. c. Allemagne, aff. nos C-57/09 et C-101/09).Le C.C.E. annule la décision d’exclusion de la protection internationale et renvoie l’affaire au C.G.R.A., l’invitant à réaliser des mesures d’instructions complémentaires avant d’adopter une nouvelle décision.

Dans un second arrêt n°57261 du 3 mars 2011, le C.C.E. annule la décision adoptée par le C.G.R.A. en exécution de l’arrêt n°54335. Le C.G.R.A. excluait le requérant de la qualité de réfugié en soulignant comme « faits individuel précis » la circonstance qu’un membre de l’organisation terroriste dirigée par le requérant a commis un attentat-suicide contre les forces multinationales en Irak. Regrettant qu’ « aucune indication n’est cependant donnée quant à la source de cette information, ni quant à la date, à la gravité et aux circonstances de cet évènement », le C.C.E. annule à nouveau la décision du C.G.R.A. et lui renvoie l’affaire pour obtenir davantage de renseignements.

Dans un troisième arrêt n°64356 du 1er juillet 2011, le C.C.E. ne se satisfait pas des informations complémentaires fournies par le C.G.R.A. pour justifier sa troisième décision consécutive de refus du statut de réfugié. Le C.G.R.A. soulignait que la cellule terroriste dirigée par le requérant en Belgique relève d’un groupe responsable d’attentats au Maroc, le G.I.C.M. (Groupe Islamiste Combattant Marocain). Considérant que la décision du C.G.R.A. ne précise pas le soutien apporté par la cellule belge du G.I.C.M. aux attentats commis au Maroc, le C.C.E. décide de reconnaitre la qualité de réfugié au requérant.

Le C.G.R.A. introduit un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat contre l’arrêt n°64356 du 1er juillet 2011. Par un arrêt n°220.321 du 13 juillet 2012, le Conseil d’Etat casse l’arrêt n°64356 du C.C.E. pour des motifs formels liés à la motivation de cet arrêt (contradiction dans les motifs ; violation de la foi due au jugement prononçant la condamnation pénale).  Le C.C.E. doit à nouveau connaitre de l’affaire.

Par le quatrième arrêt n°96933 ici commenté, le C.C.E. tente de respecter les exigences du Conseil d’Etat tout en confirmant la reconnaissance de la qualité de réfugié au requérant.

Un nouveau pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat a été introduit par le C.G.R.A. contre l’arrêt n°96933 ici commenté. Ce pourvoi est pendant (20.05.2013).

Observations/Comments: 

Par cet arrêt n°96933, le C.C.E. réaffirme qu’il ne suffit pas que le comportement ait été qualifié de terroriste au niveau national, même par le biais d’une condamnation pénale, encore faut-il examiner s’il constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales.

Il rappelle également que conformément aux exigences de la C.J.U.E. (9 novembre 2010, B. et D. c. Allemagne, aff. noC-57/09 et C-101/09) des faits précis ainsi définis doivent être imputables au requérant.

Other sources cited: 

UNHCR, « Principes directeurs sur la protection internationale : Application des clauses d’exclusion : article 1 F de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés », 4sept. 2003

UNHCR ; « Note d’information sur l’application des clauses d’exclusion : article 1 F de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés », 4 sept. 2003 ;

UNCHR, Commentaires annotés du 28 janvier 2005 par le HCR sur la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004

Case Law Cited: 

Belgium - Council for Alien Litigation, 3 March 2011, No. 57261

Belgium - Council for Alien Litigation, 1 July 2011, No. 64356

Belgium - Council of State, 13 July 2012, No. 220321