Belgique – Conseil du Contentieux des Etranger, 9 Juin 2011, Nr. 62.867

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Pays dans lequel la décision est prise:
Pays d’origine du demandeur:
Date de la décision:
09-06-2011
Citation:
Nr. 62.867
Court Name:
Conseil du Contentieux des Etranger
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Résumé succinct: 
Le CCE reconnaît le statut de réfugié sur base de faits d’esclavage. Le CCE estime que interdiction de l’esclavage est un droit absolu et indérogeable; l’esclavage constitue un fait suffisamment grave du fait de sa nature pour constituer une persécution. Les esclaves peuvent être considérés comme un groupe social.
Faits: 
X, de nationalité nigérienne, introduit une demande d’asile sur base de son statut d’esclave d’un certain Monsieur D. et les problèmes qu‘elle aurait vécu de ce fait (trois mariages ‘selon la volonté de son maître’, un avortement provoqué, etc.). Le CGRA rejette la demande en invoquant les trois arguments suivants :

(1) Les déclarations de X relatives à son statut d’esclave sont aussi inconsistantes qu’invraisemblables, ce qui jette un sérieux doute sur la foi à accorder aux événements qu’elle invoque. Le CGRA reproche à X, par exemple, de ne pas connaître le nom complet de son maître ou d’autres personnes qui vivent dans la même concession.

(2) Il y a des possibilités de voies de recours offertes par les autorités nigériennes (non seulement via des associations anti-esclavagistes officiellement reconnues, mais également à travers le concours actif des autorités nigériennes dans cette lutte). Le CGRA souligne que la législation nigérienne contient des dispositions interdisant l’esclavage, que X ne semble pas avoir utilisé les voies de recours possibles dans son pays, et que X ne s’est pas adressée à l’ONG nationale Timidria, qui lutte contre l’esclavage et toute forme de discrimination au Niger.

(3) X ne démontre pas en quoi une fuite interne au sein de son propre pays lui serait impossible. Le CGRA estime que la crainte que X invoque, découle exclusivement de son statut d’esclave et qu’elle est circonscrite à une région géographique limitée et générée par un seul protagoniste, à savoir son maître.

X interjette appel contre cette décision.
Décision & Raisonnement: 
Dans son arrêt, le CCE analyse la demande en trois étapes :

(1) La première question qui se pose, selon le CCE, est de savoir si la condition d’esclave de X et les faits qui en découlent, peuvent être tenus pour établis. Le CCE rappelle tout d’abord la définition de l’esclavage, en faisant référence à l’article 1 de la Convention relative à l’esclavage, signée à Genève en 1926, et à une étude de deux ONG, Anti-slavery International et l’association nigérienne Timidria. Le CCE continue en soulignant que l’esclavage est considéré comme une violation grave de la dignité humaine et est formellement interdit par tous les instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme. Le CCE estime notamment que « l’art. 4, §1 de la CEDH en combinaison avec l’art. 15, §2 fait de l’interdiction de l’esclavage un droit intangible, c’est-à-dire un droit absolu et indérogeable et qui constitue un fait suffisamment grave du fait de sa nature pour constituer une persécution au sens de l’article 48/3, §2, alinéa 1er, a) de la loi du 15 décembre 1980 ». Le CCE considère ensuite que, contrairement à ce que le CGRA avait décidé, les déclarations de X sont bien crédibles. Les faits subis par X répondent à la définition d’esclavage et les traitements subis peuvent s’analyser comme des violences physiques et mentales au sens de l’article 48/3, §2, alinéa 2, a) de la Loi du 15 décembre 1980.
 
(2) Dans un deuxième temps il y a lieu de vérifier si ces faits peuvent être rattachés à l’un des motifs visés par l’art. 1(A), §2 de la Convention de Genève. Le CCE estime que « les personnes considérées comme esclaves constituent un group social particulier dès lors que ce statut se passe de générations en générations et constitue une caste sociale à part dans la société nigérienne. »
 
(3) Dans un troisième temps, le CCE examine la possibilité de protection effective des autorités nigériennes. Le CCE rappelle que les ONG ne peuvent être considérées comme des acteurs de protection, à moins qu’elles ne contrôlent l’Etat ou une partie importante de son territoire, ce qui n’est pas le cas. La question est donc de savoir si X peut démontrer que l’Etat nigérien ne peut ou ne veut lui accorder une protection contre les persécutions. Sur base de différents rapports et documents (études faites par Anti-slavery International & Association Timidria ; rapport de l’ambassade des Etats-Unis ; l’arrêt du 27-10-2008 de la Cour ECOWAS dans l’affaire « Dame H.M.K. c. la République du Niger »), X parvient à démontrer que, dans son cas particulier, le système judiciaire nigérien a échoué à poursuivre et à sanctionner les actes constitutifs de persécution dont elle a été victime. Elle n’a donc pas eu accès à une protection effective au sens de l’art. 48/5, §2, 2ième alinéa de la Loi du 15 décembre 1980.

Le CCE conclut que X établit qu’elle a quitté son pays et qu’elle en reste éloignée par crainte d’être persécutée au sens de l’article 1(A), §2 de la Convention de Genève.
Résultat: 

X est reconnue comme réfugiée.