Belgique – Conseil du Contentieux des Etranger, 19 Mai 2011, Nr. 61.832

Pays dans lequel la décision est prise:
Pays d’origine du demandeur:
Date de la décision:
19-05-2011
Citation:
Nr. 61.832
Court Name:
Conseil du Contentieux des Etranger
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Résumé succinct: 

Le statut de réfugié est reconnu sur base d’une crainte fondée de devoir subir une nouvelle mutilation génitale féminine (MGF) (appartenance à un groupe social particulier).

 
Faits: 
X, qui déclare être de nationalité somalienne, introduit une seconde demande d’asile, disant qu’elle a menti pendant la première demande. Selon ses dernières déclarations, elle est de nationalité somalienne, mais née à Djibouti où elle a toujours vécu. Elle déclare avoir subi une excision quand elle était petite et craindre qu’en cas de retour sa famille pourrait lui faire subir une nouvelle MGF s’ils apprenaient qu’elle n’est plus vierge. Au moment de l’introduction de sa demande d’asile, X est enceinte d’un enfant hors mariage; l’enfant est né pendant la procédure. Le CGRA rejette la demande pour plusieurs motifs. Selon le CGRA X a menti à plusieurs reprises lors de sa première demande d’asile et le CGRA n’est pas convaincu que X raconte la vérité lors de sa deuxième demande. De plus, le CGRA estime que X n’est pas convaincante sur le fait qu’elle serait de nationalité somalienne (méconnaissance concernant la Somalie et défaut de documents probants).
 
X interjette appel contre cette décision.
Décision & Raisonnement: 
Devant le CCE, X invoque que la décision du CGRA repose essentiellement sur des motifs tenant à la crédibilité du récit mais ne s’intéresse nullement aux craintes objectives que X pourrait encourir en cas de retour en Somalie ou au Djibouti.

Le CCE examine les deux questions suivantes : (1) la question de l’établissement des faits invoqués par X à l’appui de son recours, et (2) la question de l’établissement de la nationalité somalienne de X.
 
(1) Le CCE constate que X produit des certificats comme quoi elle a déjà subi une mutilation particulièrement grave, qui peut être qualifiée de persécution au sens de la Convention de Genève. Sur base de la documentation soumise par X, le CCE conclut que le risque d’infibulation ou de re-infibulation de X en cas de retour à Djibouti, pays où elle avait sa résidence habituelle, est élevé, et que le risque n’apparaît pas moins élevé en Somalie, pays dont elle dit avoir la nationalité. La pratique de l’infibulation après une première naissance semble répandue et la circonstance que X ait conçu un enfant hors mariage pourrait être de nature à augmenter le risque d’une telle infibulation. X a donc un motif objectif de craindre d’être persécutée. Cette crainte de X s’analyse, selon le CCE, comme une crainte d’être persécutée du fait de son appartenance à un certain groupe social (le CCE fait référence, entre autres, à la définition de groupe social et à l’exposé des motifs du législateur belge, qui traite expressément de la mutilation génitale).
 
(2) Concernant l’établissement de la nationalité de X, le CCE rappelle que cet examen doit s’effectuer par rapport au pays ou aux pays dont le demandeur d’asile a la nationalité ou, dans l’hypothèse où la nationalité du demandeur ne peut pas être clairement établie, par rapport au pays où il avait sa résidence habituelle (à l’instar du cas de l’apatride). En l’espèce, X soutient être de nationalité somalienne, mais ne jamais avoir vécu dans son pays étant née à Djibouti où ses parents avaient fui. Le CCE accepte que les personnes d’origine somalienne sont dans l’impossibilité d’administrer la preuve de leur nationalité par production de documents et que l’examen de leur nationalité repose le plus souvent uniquement sur leurs déclarations. X déclare être dans l’impossibilité de fournir des indications précises sur la Somalie, étant née à Djibouti et n’ayant jamais vécu en Somalie. Le CCE estime que cette explication est plausible, mais ne permet pas de démontrer que X est bien somalienne. Ce constat implique que la nationalité de X ne peut être tenue pour établie. Dans ce cas, le CGRA aurait dû prendre en considération le pays dans lequel X avait sa résidence habituelle. Or, le CGRA n’a pas examiné si X pouvait avoir accès à une protection des autorités djiboutiennes. Le CCE estime que ceci n’est pas le cas (et observe que X n’aurait pas non plus accès à une protection des autorités somaliennes).
Résultat: 

X est reconnue comme réfugiée.