Bélgique – Conseil d’État, 23 juin 2016, Nr. 235.11

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Pays dans lequel la décision est prise:
Pays d’origine du demandeur:
Date de la décision:
23-06-2016
Court Name:
Le Conseil d’État, XIe Chambre, (Mme C. Debroux, M. L. Cambier, M. Y. Houyet, Mme V. Vanderpere)
Mots clés:
Relevant Legislative Provisions:
International Law > 1951 Refugee Convention
Council of Europe Instruments > EN - Convention for the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms
European Union Law > EN - Asylum Procedures Directive, Council Directive 2005/85/EC of 1 December 2005
European Union Law > Treaty on the Functioning of the European Union 2010/C 83/01
National / Other Legislative Provisions:
Belgium - Law of the 15th December 1980 about access to the territory
the stay
the establishment and the removal of foreigners.
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Résumé succinct: 

L’arrêt royal du 11 mai 2015 a été annulé en tant qu’il inscrit l’Albanie dans la liste des pays «sûrs» au sens de l’article 57/6/1, alinéa 4, de la loi du 15 décembre 1980.

Faits: 

La directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 (la Directive des procédures d’asile) permet qu’un pays membre puisse désigner un troisième pays comme «sûr». La directive a été transposée en droit belge par une loi du 19 janvier 2012 modifiant la loi du 15 décembre 1980.  Un arrêté royal du 11 mai 2015 a publié la liste des pays considérés «sûrs». Les requérantes ont attaqué la liste en tant qu’elle désigne les pays comme surs puisque les pays ne présentent pas le caractère de sécurité exigé par la Directive des procédures d’asile et l’article 57/6/1 de la loi du 15 décembre 1980.  

Décision & Raisonnement: 

En premier lieu, le Conseil d’état a constaté qu’un recours en annulation devant le Conseil ne peut pas être soutenu que par argumenter que sa transposition aurait été incorrecte. Étant donné que les requérantes n’ont fait aucun grief quant à la manière dont la directive a été transposée, le moyen est irrecevable.

Selon l’article 57/6/1, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980.

« Un pays est considéré comme un pays d'origine sûr lorsque, sur la base de la situation légale, de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, d'une manière générale et de manière durable, il n'y est pas recouru à la persécution au sens de la Convention internationale relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, telle que déterminée à l'article 48/3, ou des motifs sérieux de croire que le demandeur d'asile court un risque réel de subir une atteinte grave telle que déterminée à l'article 48/4. (…) ».

Le Conseil remarque que les critères énoncés à l’article 57/6/1 de la loi du 15 décembre 1980 ne sont exhaustifs, comme en atteste l’emploi des termes « entre autres ». Le nombre de personnes provenant d’un pays déterminé auxquelles le statut de réfugié est accordé par le Commissaire général est un critère pertinent auquel il convient également d’avoir égard.

Citant un arrêt antérieur qui s’agit de l’inclusion de l’Albanie sur la liste des pays d’origine sur, le Conseil constate que  les taux de reconnaissance des demandeurs d'asile originaires de l’Albanie, qui étaient de 6,8 % en 2011, de 11,4 % en 2012, 13,7 % en 2013, et 12.9% en 2014 pouvaient être qualifiés d'élevés.

Le Conseil constate que contrairement à ce que soutient la partie adverse, la circonstance que de nombreuses décisions d'octroi d'un statut de protection seraient motivées par la problématique des vendettas ne relativise en rien l'importance du nombre de reconnaissances et partant, le poids de l'argument. La circonstance que les personnes ayant obtenu une protection soient ou non apparentées ne change rien à la pertinence de l'argument pris de leur nombre. Par ailleurs, l’avis du Commissaire général conclut, pour ce qui concerne la question des vendettas, que « le problème n’a pas encore disparu », ce qui implique que ce motif peut aujourd’hui encore justifier l’octroi d’un statut de protection internationale.

La première branche du moyen est donc fondée en tant qu'elle reproche à la partie adverse d’avoir méconnu la notion de pays d’origine sûr telle que définie par l’article 57/6/1 de la loi du 15 décembre 1980 précitée en inscrivant l'Albanie sur la liste établie par l’arrêté royal du 11 mai 2015.

Les requérantes ont également contesté la méthodologie suivie par le gouvernement belge. Le ministre compétent pour la politique migratoire a demandé au Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides un avis pour soutenir quels pays devraient être inclus sur la liste des pays d’origine sur afin qu’il ait un avis d’une autorité administrative indépendante.

Le Conseil a constaté que le seul fait que de nombreux demandeurs d’asile soient originaires des pays repris dans la liste des pays d’origine sûrs n’est pas incompatible avec l’inclusion avec l’inclusion de ce pays sur la liste. Soutenir le contraire revient à postuler de manière erronée que tout demandeur d’asile est un réfugié. 

En ce qui concerne le teneur du dossier du Commissaire, le Conseil a constaté que:

L’examen du dossier révèle que chacun des avis fait état de la politique menée par d'autres pays européens … Il permet également de constater que chacun des avis donnés par le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides s'appuie sur des sources d'informations dûment référencées dans un inventaire y annexé. Ces inventaires témoignent du fait que le Commissariat général a consulté moult sources d'informations – en veillant à actualiser celles collectées depuis l’élaboration de la première liste de pays sûrs –  parmi lesquelles l'ensemble de celles spécifiquement visées par la loi, soit, selon ses propres termes, « toutes les informations disponibles » concernant ces différents pays. Ces sources sont non seulement variées puisqu'y apparaissent aussi bien des organisations internationales (ONU, OSCE, l’Union européenne, par exemple) que des organisations gouvernementales (le « U.S. Department of State », les bureaux des médiateurs nationaux pour les droits de l’homme, « Immigration and Refugee Board of Canada », par exemple) ou non gouvernementales (Amnesty international, Human rights watch, par exemple), mais aussi des organisations spécialisées (Reporters sans frontières, Gay straight alliance, Unicef, par exemple).

Ces avis, versés au dossier, apparaissent également nuancés. En effet, pour chacun des pays de la liste critiquée, il peut être constaté que le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides a examiné l'ensemble des questions qui devaient l'être compte tenu des critères fixés par la loi  (à savoir la situation légale, l'application du droit, la situation politique générale …, ainsi que la mesure dans laquelle il est possible d'y obtenir une protection contre des actes de persécution ou des mauvais traitements), sans occulter les problèmes spécifiques mis en évidence par les sources d'informations consultées, –notamment en ce qui concerne la situation des femmes et des minorités sexuelles –, et dont ses avis font la synthèse.

 

Résultat: 

Demande accordé.

Observations/Comments: 

Comme prévu dans l’arrêt, cet arrêt n’est pas le premier d’exclure l’Albanie de la liste des pays sûrs:

Par arrêté royal du 26 mai 2012, publié au moniteur belge du 1er juin 2012, ont été désignés en tant que pays sûrs au sens de l'article 57/6/1, alinéa 4, de la loi du 15 décembre 1980, précitée, les pays suivants : l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine, l'Inde, le Kosovo, l’ARYM (ancienne République yougoslave de Macédoine), le Monténégro et la Serbie.

Par un arrêt n° 228.901 du 23 octobre 2014, le Conseil d’Etat a annulé cet arrêté royal en tant qu’il inscrit l’Albanie dans la liste des pays d’origine sûrs.

Le 22 mars 2013, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides a donné un nouvel avis sur les sept pays de la liste de l’arrêté royal du 26 mai 2012.

A la suite de cet avis, l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine, l’ARYM, l'Inde, le Kosovo, le Monténégro et la Serbie ont à nouveau été désignés comme pays d’origine sûrs par arrêté royal du 7 mai 2013, publié au Moniteur belge du 15 mai 2013.

Par l'arrêt n° 228.902 du 23 octobre 2014, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêté en tant qu'il inscrit l'Albanie dans la liste des pays d'origine sûrs.

Le 14 février 2014, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides a rendu un nouvel avis au sujet des pays d’origine sûrs.

Par un arrêté royal du 24 avril 2014, publié au Monsieur belge du 15 mai 2014, la partie adverse a adopté une liste de pays sûrs identique à celle qu’elle avait arrêtée en 2012 et en 2013.

Par l'arrêt n° 231.157 du 7 mai 2015, le Conseil d’Etat a annulé cet arrêté en tant qu’il inscrit l’Albanie dans la liste des pays d’origine sûrs.

This case summary was written by Patrick Wharton, LPC student at BPP Univeristy. 

Case Law Cited: 

Belgium - No. 231.157 of the 7th May 2015

Belgium - No. 228.902 of the 23rd October 2014

Belgium - No. 228.901 of the 23rd October 2014